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SONNAILLES
A chaque vache la bonne cloche
A chaque vache la bonne cloche

Le carillon des montagnes, c’est le son du troupeau en marche lorsque toutes les cloches sont accrochées au coup des vaches et des veaux. Et il ne faut pas se tromper, quand on a mis une cloche à une vache c’est pour toute l’estive. Choisir une cloche pour chaque vache est un vrai savoir-faire encore mis en pratique aujourd’hui pour l’estive dans le Cantal ; André Ricros donne ici le témoignage d’un vrai carillonneur

La cloche d’une vache, c’est beaucoup plus important qu’on ne croit explique André Ricros dans le document qui accompagnait l’exposition « Tout un fromage » au Musée régional d’Auvergne de Rioms. On ne peut pas la lui enlever, elle serait perdue. On ne peut pas la mettre à une autre, ce serait la bagarre assurée. En plus, le troupeau a un ordre, une hiérarchie qu’il faut respecter jusque dans le choix des cloches. Et chaque année le troupeau change. Il y a celle qui était dernière qui se retrouve devant. Il y a celle qui mène, il y a celle qui suit. Il y a celle qui a été vendue, il y a celle qui a été acheté.

Le choix pour la période d’estive

« …Tous les jours, les vaches sont sorties pour aller boire et se dégourdir les pattes. Assis sur un caillou, j’attends qu’elles aient fini pour rentrer à l’étable, parce que c’est à ce moment-là qu’elles vont se ranger dans la nouvelle hiérarchie du troupeau. C’est ce moment précis que j’attends. Là, je les observe minutieusement, je regarde toutes les attitudes, les moindres détails, tous les coups de tête qu’elles se donnent, pour voir comment cette année elles se réorganisent.

Lorsque je rentre à la maison et après la sieste, tous les après-midi, je fais ma promenade, toujours la même, comme un sommambule. J’ai 150 cloches de vaches et 150 cloches de veaux. J’en connais tous les sons, tous les timbres, toutes les vibrations. En marchant pas à pas, de jour en jour, de semaine en semaine, je fabrique le carillon. Je suspends, dans ma tête chaque cloche et l’associe à une vache. La seule chose qui m’importe, c’est d’associer la bonne cloche à la bonne vache.
De jour en jour, j’en place 10, puis 20, puis 100..à chaque fois que je remue ma tête, j’entends le carillon s’organiser, je contrôle…La dernière chose à faire, c’est d’accorder le grelot du chien.

Prêt pour la « Montade »

« La veille du départ pour l’estive, je passe la nuit à me retourner et à me retourner dans mon lit. N’y tenant plus, sans faire de bruit je part pour l’étable. Arrivé à l’étable, je reste quelques secondes à respirer l’odeur des bêtes. Puis je fais le tour, je les touche, Cà y est, c’est le jour. Une nouvelle effervescence me reprend. Je vais chercher une cloche, la fait sonner, persuadé que la vache à qui je l’ai attribué va la reconnaître. Je m’approche d’elle et lui mets la cloche. J’accroche ainsi toutes les autres cloches, les unes après les autres.
Après je vais derrière l’étable de la ferme couper quelques genêts pour décorer les vaches de tête. Je suis prêt. Les autres hommes arrivent, on fait la dernière traite d’avant la campagne et profitons de ce seul moment pour accrocher les cloches aux veaux.

La marche du troupeau

Alors que le boutillé et le berger sont en train de détacher les vaches, je file sur le chemein où elles vont passer, je me mets à 500m plus haut…j’attend les bêtes sortent et s’agglutines parceque tant que la vache de tête n’est pas sortie, le troupeau ne peut pas s’organiser.
L vache de tête sort entraînant les autres qui trouvent leur place dans ce puzzle qu’elles seules maîtrisent. Tout en haut, debout, j’écoute et je regarde les vaches monter vers moiet d’un couple carillon du troupeau se mélange à celui que j’ai dans la tête, c’est la même chose. Cette année encore, je ne me suis pas trompé. Le troupeau s’écoule interprétant les premières mesures d’une symphonie pastorale qui durera plus de cinq mois ».
André Ricros
Extrait de la plaquette « Tout une fromage » (2008)