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MONTS DU CANTAL
A l’estive, notre journée était réglée en heure du soleil
A l’estive, notre journée était réglée en heure du soleil

Lucien est né en 1911 à Bellinay, commune de Paulhac au pied du Plomb du Cantal. Il a commencé à travailler dans les burons en 1926. Il raconte comment se passait son travail à l’estive avec des conditions de vie difficiles.

« J’ai commencé vers mes 15 ans, d’abord comme berger durant trois ans, puis comme vacher. J’ai souvent change de patron, c’était pour le salaire principalement. J’allais chez le plus offrant. C’était entre 5 et 6000 francs pour l’année. 10 mois ou parfois 11.

J’ai commencé à Muratel, puis à Labros en haut de Paulhac deux ans comme berger. Après je suis parti un an du côté de Cézens, puis je suis revenu deux ans à Labros. Après, un an à Brageac sur la commune de Valuejols. Ensuite je suis revenu au Chauvel sur la commune de Cezens où j’y suis resté quatre ans. Je ne suis jamais monté dans les montagnes éloignées de la ferme ; Pas plus de sept à huit kilomètres.

Les dates de montée aux estives et la descente du buron ça dépendait des années. Vers le 15 mai jusqu’au début octobre. A Allanche par le train ça prenait une quinzaine vue toutes les montagnes deux ou trois trains par jour.

J’ai appris à faire le fromage en le voyant faire puis je suis passé par l’école d’agriculture d’Aurillac.

A l’intérieur du buron il y avait tout le matériel nécessaire pour faire le fromage et souvent le lit du vacher. Des fois on couchait au bédelat ou sur les loges à cochons. J’y ai couché deux ans moi sur les loges à cochons.

On mettait nos affaire là où l’on pouvait il n’y avait pas d’armoire pour nous. Il fallait bien pourtant emporter quelques bricoles On mettait ça dans des sacs car les valises n’existaient pas.

Dans les burons le nombre de buronniers dépendait du nombre de vaches. Quand il y avait qu’une trentaine de vaches, on était deux. Quand il y en avait plus de quarante on était trois. Les buronniers c’était des gens des campagnes qui n’avaient pas de terrain ni d’exploitation à faire, alors ils se plaçaient. Il y avait beaucoup de Lozériens du côté de chez moi à Paulhac et Cézens. Quand c’était des bons vachers, les patrons n’avaient pas intérêt à les laisser partir. Dans un buron en général il y avait le vacher, le boutiller et le pâtre.

Comme animaux il y avait les vaches, les veaux et une quinzaine de cochons sans compter les portées qui naissaient à la montagne. Parfois on avait des poules apportées par le patron.

Notre journée de travail était réglée en heure du soleil : lever vers cinq heures sans manger grand chose pour partir à la traite qui avait lieu dans le parc en claies. Elle durait au moins deux heures. Pareil le soir. Pour effectuer le travail on utilisait la selle attachée au derrière et nos mains. Le seau était en bois. (le garlou), quand il fallait le serrer entre les jambes c’était lourd. Plein de lait, ça représentait environ 15 litres.

Pour traire on avait du sel dans une corne pour en donner à la vache avant de la traire. Mais il fallait pas lui en donner plusieurs fois car après elle tournait en permanence brusquement la tête pendant qu’on trayait au risque de nous faire tomber le seau de lait. A la fin de la traite on buvait un coup de lait pardi.

Après on portait le lait au buron en général sur l’épaule avec une barre. Quand il y avait 150 litres de lait c’était très lourd à porter. Sur la fin on avait une paire de vaches dressées et un carretou.

Arrivé au buron on s’empressait de mettre de la présure dans le lait pour le caillage. Après on partait changer le parc d’emplacement. Ca durait au moins une heure. Après c’était le moment de la soupe. En général c’était le berger qui allumait le feu dans la cheminée dans laquelle était accroché la marmite. A cette époque on n’avait pas de poêle.

Après le repas on n’avait pas beaucoup de vaisselle à faire, juste le bol. Des fois chacun lavait le sien, mais le plus souvent il restait sur la table mis à l’envers.

Pendant que le vacher travaillait au fromage, les autres tournaient l’écrémeuse ou faisaient un peu de lavage, notamment la gerle et les seaux.

Pour le repas du midi c’était souvent sans cuisiner : du pain et du fromage. On avait la flemme de faire cuire de la viande. En fait on ne mangeait pas très bien ni équilibré comme on dit aujourd’hui.

Après on allait faire la sieste. Puis vers trois heures la traite du soir jusqu’à cinq heures pour que les bêtes puissent retourner manger, puis le travail du fromage à nouveau.. Vers neuf heures on enfermait les vaches dans le parc, En général on ne finissait pas bien tard et comme on avait pas de lumière on allait se coucher.

L’eau était une vraie nécessité pour toutes les activités du buron. En principe il y avait toujours une source près du buron. La première fois que je suis allé dans un buron, la source était à plus de 200 mètres du buron, il fallait trimballer l’eau, une vraie corvée. Des fois on allait à la source avec la gerle.

Pour le parc de claies il y avait une façon de la déplacer, on suivait la montagne. Il y avait un côté qui ne bougeait pas et servait donc deux fois. On fumait ainsi petit à petit la montagne.

Au buron on n’avait pas beaucoup de loisirs. Des fois on se réunissait avec des vachers des montagnes alentours. On faisait une petite fête. On buvait un petit coup. Des fois on passait bien la moitié de la nuit.

Pour le ravitaillement lorsque le buron n’était pas trop éloigné de la ferme, on nous montait des provisions. Quand c’était trop loin il fallait aller chercher le ravitaillement, on nous l’apportait pas. Pour le pain, en général c’est le patron qui montait une fois par semaine pour récupérer le beurre. Il apportait quelques provisions en même temps, notamment le pain, des grosses tourtes de seigle qui ne séchait pas malgré l’humidité du buron. Quand on n’avait pas suffisamment de provisions on mangeait seulement du pain avec du fromage et un peu de beurre.

Quand le buron n’était pas trop loin de chez nous je descendait dans la famille une fois par semaine, mais à temps perdu vers les dix heures quand j’avais fini le travail du matin et je rentrais pour la traite de l’après-midi. Parfois c’était le soir quand tout était fini. On ne pouvait pas s’absenter du buron il n’y avait pas de remplaçant. Une fois j’avais besoin d’une journée pour aller au mariage d’une de mes sœurs ça été compliqué pour trouver quelqu’un pour me remplacer.

Les chiens il n’y en avait pas toujours au buron, les patrons trouvaient que ça faisait courir les bêtes et elles donnaient moins de lait.

Voilà c’était ça notre vie de buronnier ..."

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Témoignage recueilli en mars 1993 à la Maison de retraite de l’hôpital de Murat par Messieurs Maffre et Baural.